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Introduction à la Maladie de Huntington

La première apparition de la maladie de Huntington (souvent appelée “MH”) dans la littérature médicale est due au docteur George Huntington, un médecin de Long Island à New York. Cette maladie atteint aussi bien les hommes que les femmes, touchant environ une personne sur 10 000 dans la plupart des pays occidentaux. Comme les personnes atteintes de MH ont besoin de soins constants et du support de leurs proches, cette maladie fait partie de la vie de beaucoup plus de gens encore.

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La maladie de Huntington se déclare normalement assez tardivement, quand la personne a entre 30 et 50 ans; cependant, il existe une forme de MH qui touche les enfants et les adolescents. Les personnes atteintes de MH montrent une grande variété de symptômes, que les médecins classifient habituellement en trois catégories: les symptômes moteurs, cognitifs et psychiatriques.

  • Parmi les symptômes moteurs de la MH, on peut observer spasmes musculaires, tics, rigidité, chutes, difficultés physiques à parler, et dans un état plus avancé de la maladie, difficultés à avaler (ce qui peut mener à une perte de poids significative). Des mouvements incontrôlés de torsion et de contorsion sont aussi un symptôme relativement courant de la MH. Les médecins appellent ces mouvements incontrôlés “chorée”.

  • Le principal symptôme cognitif de la MH est une modification de l’organisation des informations dans le cerveau, et en général un ralentissement du traitement de ces informations. Ces symptômes peuvent entraîner des difficultés pour apprendre des choses nouvelles, des difficultés pour s’organiser et fixer des priorités, une maladresse dans la perception de l’espace (où l’on se trouve par rapport à une table, aux murs…) et des difficultés pour porter son attention sur plusieurs choses à la fois. Il est fréquent que ces personnes se rattachent à des tâches de routine parce qu’elles leur sont plus faciles à accomplir. Enfin, à cause de troubles à organiser les mots reçus et les mots émis dans leur cerveau, beaucoup de personnes atteintes de MH ont des difficultés à communiquer avec d’autres personnes.

  • Le plus commun des symptômes psychiatriques de la MH est la dépression. Mais on peut aussi observer des troubles de personnalité, l’apathie, l’anxiété, l’irritabilité, l’obsession pour certaines activités (telles que d’aller se laver les mains), le délire et la manie. Le refus de reconnaître que l’on est atteint de MH est aussi un symptôme courant.

Malheureusement, généralement entre 10 et 25 ans après que la maladie se soit déclarée, MH a fait tellement de ravages chez la personne qu’elle en meurt, de pneumonie, crise cardiaque ou autres complications.

MH cause des détèriorations des cellules nerveuses du cerveau, entraînant des changements significatifs dans les capacités à réfléchir, ressentir et se déplacer. La cause de ces symptômes est demeurée un mystère pendant assez longtemps, jusqu’à ce que des docteurs remarquent que la maladie se retrouvait plus fréquemment dans certaines familles, et qu’ils suspectent des causes héréditaires. On sait maintenant que la transmission de la MH, comme celle d’autres traits héréditaires dépend d’informations “codées chimiquement” dans une substance appelée “acide déoxyribonucléique” ou ADN, qui existe dans les cellules vivantes. Comprendre un petit peu comment fonctionne ce code chimique permet de mieux saisir les causes de MH, et les traitements qui pourront peut-être un jour conduire à soigner la maladie.

Fig A-1: La Langue de l'ADN

Le code chimique de l’ADN est très similaire à la langue française: tous les deux utilisent certaines lettres dans un certain ordre pour faire passer certains messages. Mais alors que le Français a 26 lettres, l’ADN n’en a que 4: A, C, G et T (qui sont les initiales des quatre substances chimiques qui forment l’ADN). De plus, alors que la taille des mots varie beaucoup en françs, les “mots” de l’ADN sont toujours longs de trois “lettres”. Les gens qui étudient la génétique appellent ces mots des codons. Judicieusement, car les codons codent les futurs objets construits dans la cellule nerveuse. Ils sont un peu les plans, les schémas de montage. Prenons un exemple: quand un passage contient le mot anglais C-A-T (chat), vous vous représentez l’image de votre animal domestique préféré. De façon similaire, quand le code ADN contient les lettres G-G-C, il dit à la cellule de produire de la proline, un acide aminé. Pour en apprendre plus sur l’ADN, cliquer sur:

Si les codons forment les schémas de montage, alors nous pouvons voir les acide aminés qui en résultent comme des briques. Quand ces briques sont assemblées chimiquement elles forment une structure appelée protéine. Et comme dans des immeubles dans notre société, c’est dans les protéines que le travail des cellules nerveuses est effectué. Les protéines peuvent jouer des rôles très différents: elles aident la cellule à maintenir sa structure, produire de l’énergie et communiquer avec d’autres cellules.Sans les millions de protéines de notre corps; la vie telle que nous la connaissons ne pourrait pas exister.

Fig A-2: La Forme des Protéines

Le comportement particulier d’une protéine est déterminé par sa forme unique dans l’espace. Cette forme contrôle comment la protéine s’imbrique et intéragit avec d’autres parties de la cellule. La forme est elle-même déterminée par les acides aminés qui composent la protéine, et par leur ordre. Et c’est comme ça qu’à la manière d’un immeuble bien conçu qui a ses origines dans les plans de l’architecte, une protéine qui fonctionne avec succès a pour origine les codons de l’ADN.

Tous les êtres humains possèdent une protéine appelée huntingtine dans leurs cellules nerveuses. (Remarquez que, bien que la “maladie d’Huntington” s’écrit avec un “o”, l’orthographe correcte de la protéine impliquée est huntingtine avec un “i”.) Les scientifiques n’ont pas encore déterminé la fonction exacte de l’huntingtine, mais elle joue visiblement un rôle critique dans les événements qui permettent aux cellules de fonctionner efficacement. Comme beaucoup d’autres protéines, l’huntingtine contient l’acide aminé glutamine. Chez les personnes atteintes de MH pourtant, il y a un nombre excessif de glutamines dans un segment de la protéine en particulier. Ces glutamines supplémentaires sont dues à un trop grand nombre de copies du codon correspondant (celui qui code “glutamine”) dans le code de l’ADN. Ce codon est le mot de trois lettres C-A-G. Il est donc exact de dire que la MH est le résultat d’un trop grand nombre de copies de C-A-G dans l’ADN qui code la protéine huntingtine. C’est pourquoi on appelle souvent la MH un “désordre de répétition trinucléotide” (“trinucléotide” est un mot savant pour “codon”.)

Tbl A-1: Nombre de Copies du Codon CAG

Combien de copies du codon C-A-G sont trop de copies? Beaucoup de recherche a été faite dans ce domaine et il y a de nombreuses réponses différentes à cette question dans la littérature scientifique. Voici une estimation grossière: les gens qui ont entre 10 et 35 copies du codon C-A-G ont une protéine huntingtine normale. Ceux qui en ont 40 ou plus, en revanche, ont une protéine huntingtine défectueuse et développeront les symptômes de la MH. En ce qui concerne les personnes qui ont entre 36 et 39 copies les choses sont moins certaines. Certains verront apparaître les symtômes alors que d’autres en seront exempts. Pour en savoir plus sur la façon dont la MH est transmise d’une génération à la suivante, cliquer ici;

Pour résumer tout ce que l’on vient de dire, la maladie de Huntington est causée par un nombre excessif de copies du codon C-A-G dans l’ADN humain, ce qui entraîne la présence de trop de glutamine dans la protéine huntingtine. Mais pourquoi l’huntingtine ainsi modifiée est-elle nuisible ? Malheureusement, et malgré les efforts vaillants des chercheurs, nous n’avons pas encore de réponse finale à cette question. Etant donné que la forme d’une protéine détermine ses interactions avec les autres parties de la cellule (comme nous l’avons appris plus haut), une importante part de la recherche sur ce point tente de comprendre exactement comment une modification de sa forme affecte les interactions de la protéine hintingtine avec les autres composants de la cellule. Une étude suggère qu’une trop grande abondance de glutamines dans la protéine huntingtine cause la formation d’agglomérats rigides de protéines. Et comme les autres composants de la cellule sont conçus pour travailler dans un environnement plus souple, ils ne peuvent plus travailler dans cette encombrement accru. Le résultat final est la mort anticipée de la cellule nerveuse (appelée apoptose). Une autre étude récente suggère que la protéine huntingtine modifiée (et plus grande qu’à la normale) “kidnape” les protéines plus petites de la cellule nerveuse, les empèchant de faire leur travail. C’est ainsi que la protéine huntingtine pourrait endommager la cellule nerveuse directement. (Pour en savoir plus sur la protéine huntigtine modifiée, click ici.)

Fig A-3: Une Cellule est Comme une Ville

Tandis que les scientifiques continuent à explorer les points de détail de la MH, le mécanisme de base est clair. Si nous prolongeons notre analogie avec la construction d’immeubles, ce qui se passe quand la protéine huntingtine est modifiée est que l’immeuble (la protéine) n’a ni la taille, ni la forme désirée et ne peut donc pas fonctionner correctement dans la métropole qu’est la cellule nerveuse. Et comme elle ne peut pas fonctionner correctement, elle empêche les autres protéines dont le travail dépendait du sien de fonctionner correctement. Le résultat final est un effet boule-de-neige, où les problèmes se cumulent continuellement et la cellule nerveuse devient de plus en plus endommagée. Jusqu’à ce qu’après suffisament de dommages, la cellule nerveuse en meure. Et quand ce phénomène se produit à l’échelle de nombreuses cellules nerveuses, les problèmes de réflexion, de sensation et de gestes associés à la MH peuvent être observés. Pour en savoir plus sur les cellules nerveuses et comment leur mort est liée aux symptômes de la MH, cliquer ici:


Pour en apprendre plus sur l’ADN et la MH, un grand nombre de documents sont disponibles sur le Web (ces liens pointent vers des pages anglophones, mais il existe aussi de nombreuses pages francophones) :

  1. Visitez Khan Academy pour un bon tutorial.
  2. Le site Australien “Cooperative Research Centre for Discovery of Genes for Common Human Diseases” (Gene CRC) a quelques explications fabuleuses à différents niveaux de complexité.
  3. Cummings, C. J and Zoghbi, H.Y. “Trinucleotide Repeats: Mechanisms and Pathophysiology.” Annu. Rev. Genomics Hum. Genet. 2000. 1:281-328.Cet article assez technique explique les symptômes de la MH, et commente le nombre de répétitions du codon C-A-G chez les personnes atteintes ou non de la maladie. Il présente aussi des théories sur le rôle de la protéine huntingtine modifiée.
  4. Falush D, et al. “Measurement of mutational flow implies both a high new-mutation rate for Huntington disease and substantial under ascertainment of late-onset cases.” Am J Hum Genet 68 (2) 2001 Feb: 373-385.Une analyse technique du nombre de C-A-G au delà duquel une personne developpera les symptômes de la MH.
  5. Huntington’s Disease”. Online Mendelian Inheritance in Man. Une collection de résumés d’une multitude d’études différentes sur la MH. Cela va des études de cas sur la transmission héréditaire de la maladie aux nouvelles méthodes pour la diagnostiquer. C’est un excellent site pour se tenir au courant des différentes études et recherches menées sur la MH aujourd’hui.
  6. Huntington’s Disease”. Web MD. Une présentation générale de la MH très facile à lire.
  7. Li SH, Lam S, Cheng AL, Li XJ. “Intranuclear huntingtin increases the expression of caspase-1 and induces apoptosis.” Human Molecular Genetics, 2000, Vol. 9, No. 19: 2859-2867. Un papier très technique expliquant comment les protéines huntingtines modifiées pourraient anticiper la mort de la cellule nerveuse (apoptose).
  8. Nucifora, Frederick C. Jr., et al. “Intranuclear huntingtin increases the expression of caspase-1 and induces apoptosis.” Human Molecular Genetics, 2000, Vol. 9, No. 19: 2859-2867.Un autre papier très technique expliquant comment les protéines huntingtines modifiées pourraient anticiper la mort de la cellule nerveuse (apoptose).
-M. Stenerson, 07/15/03; traduit par J.G. Morard, 11/12/04